A l’initiative du Sénat, deux lois visant à harmoniser les règles de gouvernance des autorités administratives indépendantes (AAI) et des autorités publiques indépendantes (API) et à assurer un meilleur contrôle parlementaire de leur action dans un contexte d’indépendance renforcée ont été adoptées au début de l’année 2017. Elles font suite à trois rapports parlementaires qui, depuis 2006, ont critiqué la prolifération de ces autorités indépendantes, le manque de diversité de leur recrutement ainsi que l’hétérogénéité de leurs règles de gouvernance.
Des experts et praticiens de la régulation participant aux travaux de la Chaire « Gouvernance et Régulation » de l’Université Paris-Dauphine se sont saisi des principales propositions issues de ces rapports (qui n’ont pas toutes été reprises dans les textes récemment adoptés) afin de contribuer au débat public sur le statut, l’organisation et le positionnement des AAI en charge de la régulation économique.
Ces réflexions ont été menées selon un triple prisme :
Celui des finalités de la régulation et de la régulation indépendante
Si les régulateurs sectoriels ont souvent été créés pour présider à la libéralisation d’industries marquées par des coûts fixes, des externalités fortes ainsi que des risques systémiques, il apparaît qu’un pilotage a priori du processus concurrentiel et de la coordination entre opérateurs est également nécessaire en régime de croisière dans certains secteurs. Des régulateurs sectoriels s’avèrent souvent utiles pour combiner objectifs d’efficacité économique et mise en oeuvre de politiques publiques dans des contextes spécifiques.
En contrepartie, la nécessité de garantir à la fois l’impartialité de l’action publique et la sécurité des parties prenantes rend nécessaire une réelle indépendance des régulateurs, sans pour autant que leurs missions ne soient exercées en dehors de tout contrôle démocratique (Parlement) ou juridictionnel (institutions de contrôle et autorités judiciaires). Cette indépendance est organiquement garantie par la nomination des membres des organes décisionnels et, fonctionnellement, par leur absence de soumission au pouvoir hiérarchique ou au pouvoir de tutelle, ainsi que par le mode collégial de prise de décision. Elle est enfin encadrée tant par le législateur qui définit le champ de compétence des autorités de régulation et leur périmètre d’intervention que par le mode de désignation des membres des collèges par les autorités politiques, ou, enfin, par le triple contrôle, budgétaire et comptable, juridictionnel et institutionnel dont elles font l’objet.
Celui des ressources humaines, de la déontologie et des compétences.
Au-delà de la nature des finalités qu’elle promeut, la qualité de la régulation dépend de la capacité du régulateur à demeurer indépendant des acteurs des secteurs régulés, à travers la prévention renforcée des conflits d’intérêt, en encadrant les conditions de recrutement, d’exercice et de cessation des fonctions. Certaines de ces règles applicables aux autorités de régulation sont toutefois redondantes avec des règles générales et peuvent constituer un facteur de dissuasion de candidats présentant pourtant le bouquet de compétences requis pour officier dans des secteurs de plus en plus complexes et mouvants. Dans ce contexte, un continuum de situations — allant d’un modèle acceptant un certain dosage mais ne rompant pas tout lien avec le secteur à un modèle dans lequel prime l’indépendance par rapport aux entreprises du secteur — peuvent s’avérer satisfaisants en fonction du niveau d’ouverture à la concurrence du secteur concerné et de la maturité du régulateur. Celui des critères de détermination du périmètre et de l’organisation des AAI
Une grille de lecture des avantages et inconvénients des différentes modalités de rapprochement entre AAI met l’accent sur deux vecteurs en la matière :
l’objectif peut être soit l’amélioration de la pertinence et de l’efficacité de la régulation, soit l’optimisation budgétaire et fonctionnelle de la gestion des régulateurs. L’analyse démontre, d’une part, qu’il ne faut pas surestimer les gains à attendre de la mutualisation des activités de support, compte tenu notamment de la frugalité des structures dont il est question. D’autre part le rapprochement de certaines activités coeur de métier ne fait pas toujours sens au plan des missions des régulateurs. Elle conclut que toute tentative de réorganisation doit s’appuyer sur une étude d’impact préalable, documentée et rationnelle.